lundi 5 mai 2014

Les livres messins et lorrains


J’inaugure ici une rubrique qui me tient à cœur, celle de l’histoire de Metz et de la Lorraine à travers le livre et du livre lorrain en général. Elle est sans prétention. « Un amour vrai, le goût de la curiosité, l’instinct de la chasse, un peu vanité. Et voilà comment la bibliophilie s’est implantée en nous » disait l’écrivain Jacques de Lacretelle, arrière-petit-fils du célèbre historien et académicien messin Charles de Lacretelle. Il y a un peu de tout cela.
L’apparition de l’imprimerie au milieu du 15e siècle a joué un rôle essentiel dans la diffusion des idées, des sciences et des arts à la Renaissance. Dans ce mouvement, la Lorraine et les Trois-Evêchés ont pris toute leur part. L’exposition « Une bibliothèque lorraine de la Renaissance » présentée par les BM de Metz en 2000 en témoigne par une sélection raisonnée de cent ouvrages emblématiques de la période et des préoccupations des lettrés du moment : littérature, musique, vie religieuse, gouvernement, astronomie, géographie, alchimie, géométrie, etc.

En France, c’est à Paris que trois ouvriers allemands venus de Mayence installent le premier atelier typographique en 1470. Mais c’est à Metz, cité commerçante, riche et peuplée, et non dans les duchés de Lorraine et de Bar, que le premier livre lorrain fut imprimé.
Venus de Trèves (car les imprimeurs étaient alors ambulants, transportant leur presse sur une charrette tirée par des chevaux), Jean Colini, un moine, et Gérard de Villeneuve, impriment à Metz en 1482 un petit livret de 24 feuillets, une partie (le livre premier sur quatre) d’un ouvrage religieux anonyme à succès qui passe pour avoir été écrit une trentaine d’années plus tôt par un moine allemand, l’Imitation de Jésus-Christ. C'est le premier livre messin avec une date certaine, l'indication du lieu et l'année d'impression et le nom des deux imprimeurs figurant en fin de texte (ce qu'on appelle le colophon). La typographie est gothique et la langue est bien sûr le latin. Sans rentrer dans des détails inutiles, voici une très courte description de l'opuscule :
- la première page est blanche (recto du premier feuillet)
- la seconde comporte la liste des 24 chapitres (verso)
- le titre n'arrive qu'à la troisième page (recto du second feuillet) :
Incipiūt ammonicōnes ad ſpiǁritualē vitā vtiles  Ca· primū ǁ De imitacōe ri‡ et ctēptu oīm ǁ vanitatū mundi·:·.
ce qui veut dire à peu près « ici commencent les avertissements utiles pour la vie spirituelle. Chapitre premier. De l'imitation du Christ et du mépris de la vanité de ce monde »
- sur la dernière page (recto du 24e feuillet), on trouve la mention suivante :
Expliciūt āmonicōnes ad ſpi=ǁritualem vitam vtiles. ǁ Impreſſe in cītate Metenſi ǁ per fratrem Iohannē Colini. Orǁdinis fratrum Carmelitarum. ǁ Et gerhardum de noua cītate. ǁ Anno domini Mille°. CCCC° ǁ lxxxii.
ce qui veut dire « ici finissent les avertissements utiles pour la vie spirituelle. Imprimé dans la cité messine par frère Jean Colini frère de l'ordre des Carmélites et Gérard de Ville-Neuve. L'an mille quatre cent quatre-vingt-deux. »
Vous vous en doutez, ce modeste livre - on dit un incunable car imprimé au 15e siècle - ne figure pas dans ma bibliothèque ;-) et :-( (typographie typiquement du 21e siècle). Celui des BM de Metz a (aurait) été détruit en 1944 lors de l'incendie de la casemate du St Quentin dont tout le monde a déjà entendu parlé. J'ai consulté celui de la Bibliothèque nationale de France (BnF).